Résumé : |
J'ai retrouvé sous la plume d'Edith Wharton cette douce ironie qui traverse toute l’œuvre de Stendhal, ce regard impitoyable sur une société où les sentiments s'étouffent au profit des apparences et des carcans de la bienséance. Le temps de l'innocence a un parfum de nostalgie, le personnage principal se heurte à sa propre impossibilité à sortir de ces carcans qui lui font pourtant horreur, il oscille entre une femme rebelle autour de qui plane un parfum de scandale et de liberté et dont il est amoureux, et une jeune femme totalement formatée par son éducation et qui possède, sous des dehors de naïveté, une intelligence manipulatrice redoutable. Le constat n'est-il pas trop amer ? La machine sociale semble toujours plus forte que les aspirations de l'individu. « Chez nous, il n'y a ni personnalité, ni caractère, ni variété. Nous sommes ennuyeux à mourir ». Le personnage fait ce constat en toute lucidité, en choisissant aussi de ne pas vivre la passion qui le ronge pourtant. L'ambivalence de Newland se tient tout entière dans ce refoulement des émotions qui s'accompagne chez lui d'une critique hypocrite, puisqu'il ne l'attaque jamais de manière frontale. Le style de Wharton est incisif, d'une précision chirurgicale, les non-dits sont ici d'une très grande violence, la narration du point de vue de Newland n'est pourtant pas subjective, ce qui n'offre aucune possibilité d'empathie, la description psychologique du drame est sans cesse théâtralisée, en pleine lumière, tous les acteurs de ce drame connaissent les sentiments violents qu'éprouvent l'autre, mais rien ne s'exprime de manière explicite ; « on peut répandre la lumière de deux façons : être la bougie, ou le miroir qui la reflète ». |